La Révolution française : l’affirmation d’un nouvel univers politique
Une révolution est une transformation des structures politiques et juridiques d’un pays, le passage d'un système de valeurs à un autre. Dans la mémoire française, 1789 est l'année de la Révolution. Mais ce n'est que le début d'une période d’instabilité politique qui ne prend fin qu’en 1799 avec l’arrivée au pouvoir de Napoléon.
I) Quelles sont les causes de la Révolution ?
On peut distinguer des causes lointaines et des causes immédiates. Les causes lointaines sont le contexte dans lequel un évènement se produit, ici la remise en cause de la monarchie absolue par la philosophie des Lumières et la crise de la société française. Les causes immédiates sont les éléments déclencheurs de l’évènement, ici la crise financière de la monarchie en 1788-89.
1) La remise en cause de l’absolutisme par les Lumières
a) La monarchie absolue de droit divin
Transparent Louis XVI en costume de sacre. Le droit divin est conféré par le sacre qui fait du roi le lieutenant de Dieu sur terre. Le pouvoir absolu signifie que le roi détient à la fois les pouvoirs législatif (couronne), exécutif (sceptre) et judiciaire (main de justice). Transparent lettre de cachet Le pouvoir absolu est symbolisé par le château de Versailles construit sous Louis XIV, et par la lettre de cachet avec laquelle le roi peut faire « embastiller » toute personne sans jugement, par exemple des auteurs remettant en cause son autorité. Transparent organisation du pouvoir Le roi nomme ses ministres et conseillers, mais aussi les intendants qui le représentent dans les provinces. Mais en réalité, son pouvoir n'est pas illimité : le roi doit ménager la noblesse, car pour assurer son
autorité dans tout le royaume, il ne peut compter que sur les seigneurs vu les effectifs très faibles de son administration.
b) La philosophie des Lumières
Fiche : les philosophes des Lumières et l'Ancien Régime
1) Les philosophes des Lumières recommandent l'esprit critique et l'usage de la raison pour remettre en cause les préjugés et se faire sa propre opinion. Cette réflexion doit s’appliquer en particulier au régime politique, à l’organisation sociale et au discours religieux.
2) Voltaire reproche par exemple à la monarchie française d’avoir fait de la fréquentation de la cour du roi l’idéal social à atteindre plutôt que de valoriser la réussite par le travail. Il remet donc en cause l’idéal de vie noble fondé sur l’oisiveté au profit de l’idéal bourgeois fondé sur le travail. Montesquieu dénonce la manière de gouverner du roi, fondée d’après lui sur le mensonge, symbolisé par le prétendu pouvoir miraculeux de guérison du roi sacré.
3) Montesquieu juge au contraire nécessaire la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire pour garantir la liberté.
4) Et d’après Rousseau, un régime politique doit être démocratique, c'est-à-dire reposer sur la souveraineté nationale qui s’exprime par des assemblées élues et réunies régulièrement pour voter les lois. Il repose également sur l'égalité des citoyens et son fonctionnement est inscrit dans une Constitution.
La diffusion des idées des Lumières ne concerne qu'une élite : seulement un homme sur deux et une femme sur quatre savent lire, et les discussions philosophiques ne sortent guère des lieux de réunion urbains fréquentés par des bourgeois et des aristocrates (cafés luxueux, salons tenus par des femmes de la haute société). Mais, même si les Lumières ne concernent que peu de gens, elles
donnent naissance à une opinion publique critique envers les décisions du roi : c’est une première étape vers la Révolution.
2) La crise de la société française
En 1789, la société est toujours organisée comme au Moyen Age en trois ordres : clergé, noblesse et tiers-état. Le clergé ne regroupe que 0,5 % des 28 millions de Français mais il est considéré comme le premier ordre en raison de son statut d'intermédiaire entre Dieu et les hommes. La noblesse ne représente que 1,5 % de la population. Elle compte encore des descendants des familles nobles du Moyen Age, mais elle s'est peu à peu ouverte aux officiers royaux, c’est-à-dire aux fonctionnaires de l'armée, de l'administration, de la justice ou des finances, des fonctions qui étaient achetées et transmises à un héritier et conféraient la noblesse à leur propriétaire. Le clergé et la noblesse disposent de privilèges, qui consistent surtout à ne pas payer l'impôt royal (la taille, qui représente à peu près 10 % des récoltes) et à prélever des impôts sur les paysans : la dîme (8 %) pour le clergé et les droits seigneuriaux (8 %) pour la noblesse. Le tiers-état englobe 98 % de la population. Les 3/4 sont des paysans qui vivent modestement ou misérablement. Les villes ne regroupent que 15 % de la population, dont la partie la plus riche constitue la bourgeoisie (maîtres artisans, marchands, professions libérales…).
Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, cette organisation sociale n’était pas remise en cause. Ainsi, les bourgeois avaient pour idéal d'accéder à la noblesse par l’achat d’offices royaux, par mariage dans la noblesse et par achat de terres pour vivre « noblement ». Mais à la fin du XVIIIe siècle, cet afflux de bourgeois parmi la noblesse est de plus en plus mal supporté par les vieilles familles nobles qui craignent de perdre leur place au sommet de la société. En 1781, elles obtiennent par exemple du roi que les grades élevés
de l’armée soient réservés à ceux qui sont nobles depuis au moins deux générations. Donc la bourgeoisie en arrive à souhaiter un nouvel ordre social, et va jouer un rôle majeur dans la Révolution.
En outre, la France est confrontée dans les années 1780 à une crise économique qui va pousser le peuple à se révolter à plusieurs reprises pendant la Révolution.
3) La crise des finances royales
Transparent budget de l'Etat en 1788 Dans les années 1780, le trésor royal est confronté à un grave déficit : les dépenses excèdent largement les recettes, d'où un recours massif aux emprunts, si bien qu'en 1788 le remboursement de la dette représente la moitié des dépenses. Ce déficit remonte à Louis XIV, mais il a explosé avec la participation à la guerre d’indépendance des USA contre l’Angleterre (1775-1783).
Les revenus de l'Etat sont limités par les nombreux privilèges : le clergé et la noblesse ne paient pas la taille, tout comme les citadins. Les ministres de Louis XVI tentent de réformer ces privilèges, mais échouent à cause de l'opposition de la noblesse, qui pose comme condition à toute réforme fiscale la réunion des
états généraux (assemblée de députés des trois ordres. Contraint par la situation financière, Louis XVI finit par accepter fin 1788. Ces états généraux, qui n'avaient pas été réunis depuis 1614, sont le point de départ de la Révolution. Ils sont convoqués pour le 5 mai 1789. D'ici là, chaque village et chaque ville doit élire ses députés du tiers-état. Le roi demande aussi à tous les Français, conformément à la tradition du royaume, d'exprimer leurs souhaits dans des cahiers de doléances.
1788, téléfilm de M. Failevic (1978), fiction historique sur la vie d'un village de Touraine, près de Chinon, à la veille de la Révolution.
Extrait 1 (40-46 min.) : l'annonce des états généraux par le curé. Quelle réaction l'annonce des états généraux provoque-t-elle chez les paysans ?
Extrait 2 (54 min-1h06 min.) : la préparation du cahier. Quel décalage y a-t-il entre les doléances des citadins (en l'occurrence celles des habitants de Chinon, exprimées par le jeune Guillaume) et celles des paysans ?
L'annonce des états généraux provoque la joie des paysans, confiants envers le roi qui se préoccupe de leur sort. Ils ont de nombreuses doléances à propos des impôts mais leur absence d’instruction les contraint à s’en remettre à des citadins pour la rédaction de leurs cahiers, si bien que les doléances du tiers-état sont surtout celles de la bourgeoisie, inspirées des Lumières mais parfois éloignées des problèmes des paysans. La noblesse est elle aussi influencée par les Lumières : elle est favorable également à une monarchie constitutionnelle, tout comme une partie du clergé, mais elle refuse toute remise en cause de ses privilèges.
II) Comment la Révolution transforme-t-elle la France entre 1789 et 1791 ?
1) La disparition de l’Ancien Régime
L’Ancien Régime est le nom donné à partir de la Révolution à la France d’avant 1789, caractérisée par la monarchie absolue de droit divin et la division de la société en trois ordres. Trois évènements mettent fin à l’Ancien Régime durant l’été 1789.
La proclamation de l’Assemblée nationale
Dès l’ouverture des états généraux à Versailles, les députés du tiers-état comprennent qu’ils n’ont été convoqués que pour accepter de nouveaux impôts et que le roi n’a rien à faire des doléances. Et plutôt qu’un vote par tête qui donnerait l’avantage aux députés du tiers-état plus nombreux que les deux autres ordres réunis (578 députés contre 291 du clergé et 270 de la noblesse), Louis XVI veut imposer le traditionnel vote par ordre pour donner la majorité aux privilégiés. Le 17 juin 1789, les députés du tiers-état réagissent en se proclamant « Assemblée nationale », déclarant incarner la souveraineté nationale vu qu’ils représentent 98 % des Français. Le roi leur interdit alors d’accéder à leur salle de réunion mais ils se rassemblent dans la salle du Jeu de Paume et font le serment de ne pas se séparer avant d'avoir donné une constitution au royaume. Le 23 juin, Louis XVI ordonne une dernière fois aux députés du tiers état de dissoudre l’Assemblée nationale mais face à leur résistance il renonce à employer la force et le 27 juin il demande au clergé et à la noblesse de rejoindre l’Assemblée nationale. Il reconnaît donc malgré lui la souveraineté nationale.
Le 14 juillet 1789 : la prise de la Bastille
Les Années Lumière
- 1er extrait : 23 min à 27,25 min : le 23 juillet, le roi dénonce l’existence de l’Assemblée nationale. Devant leur ré